17 – 26 juin 2022


Descente du canyon de la Bendola en partant de Saorge – 5 bivouacs

– Présentation –

Bendola 2022 – Le déroulement en 3 vidéos

Montée au départ du canyon juin 2022
Descente – chapitre 1 : la partie sèche
Descente – chapitre 2 : la rivière

Vallon de la Bendola depuis la crête d'Anan
Vallon de la Bendola depuis la crête d’Anan
  • Calendrier

17 et 18 juintrajet aller=> Saorge
19 juinMontée 1=> bergerie d’Anan
20 juinMontée 2=> départ du canyon
21 juin1ère journée de descente=> affluent avant la cascade de 45 m
22 juin2ème journée de descente=> résurgence
23 juin3ème journée de descente=> bivouac des strates
24 juin4ème journée de descente=> sortie
25 et 26 juintrajet retour
  • Compte rendu

Après 2 jours de route, en passant par le col du Turini (après un arrêt avant St André des Alpes : Moriez 43.96087N / 6.46547E), nous arrivons à Breil sur Roya (pour boire un café), puis à Saorge vers 14 heures.

Nous préparerons les sacs à l’ombre pour la montée du lendemain, au bord de la Roya, près du pont effondré. Evy nous rejoindra un peu plus tard dans l’après-midi.

Nous avons presque terminé lorsqu’il arrive. Peu de temps, après une voiture de la gendarmerie s’arrête à notre hauteur pour nous demander de ne pas rester ici (les bords de la Roya ne seraient pas assez stables…).

Une fois les préparatifs terminés, nous quittons donc l’endroit et montons sur le parking qui était indiqué comme interdit aux camping-cars l’année dernière. Mais aujourd’hui il n’y a plus d’affiche d’interdiction (le parking du dessous est, lui, toujours marqué comme étant interdit).

Les gendarmes nous ayant dit que s’il n’y avait pas de panneau d’interdiction, on pouvait y rester, nous nous y installons.

En début de soirée nous montons à Saorge pour retrouver Virginie et Franques au restaurant Lou Poutin, où doit se dérouler un concert. Nous en profiterons pour y manger des frites (il n’y avait que cela…) qui n’ont pas été du goût de tout le monde (personnellement je les ai bien appréciées). Peu de monde au concert car il est encore tôt, mais la ruelle se remplit au fur et à mesure que la nuit arrive.

Nous redescendrons au parking assez tôt car demain il faudra essayer de ne pas partir trop tard (vous avez sans doute noté que je n’ai pas dit partir tôt…) pour éviter de monter en plein soleil jusqu’à la bergerie d’Anan, emplacement de notre 1er bivouac, cette année.

Dimanche 19 juin

Nous partirons à 7h30, ce qui n’est pas si mal, finalement (on avait fixé 7h00 initialement).

Mais avant le départ, la désormais traditionnelle pesée des sacs, dont voici les résultats :
Evy : 11 kg
Elisabeth : 17 kg
Et le mien : 22 kg

Les mesures nous paraissent étranges car bien inférieures à celles de l’an dernier où nous avions : 15kg / 21 kg et 25 kg. Les piles seraient-elles un peu faibles ou les sacs ne seraient-il pas bien positionnés ?…

La montée commence doucement. Il faut se ménager car nous avons 1000 m de dénivelé à faire et nous ne pourrons pas longtemps éviter le soleil. Et puis les sacs sont quand même suffisamment lourds…

Elisabeth n’est pas très en forme et elle a des problèmes de dos qui l’inquiètent au point de douter de sa capacité à descendre le canyon. On verra ce que donne la montée et si ça ne va vraiment pas, elle pourra redescendre avec Evy qui ne dépassera pas la crête d’Anan cette année.

Pour l’instant nous montons vers le monastère et il ne fait très chaud, donc ça va bien. Nous sortons de Saorge par le GR52A bien connu et attaquons la montée de Peïremont, tranquillement. Petites caresses aux 2 ânes de la ferme, que nous aurions bien réquisitionnés pour porter nos sacs…, et la montée se poursuit jusqu’à la fontaine de la Pinée où nous posons les sacs pour une petite pause et faire le plein d’eau indispensable pour arriver jusqu’à la bergerie.

Le débit de la fontaine est très faible (équivalent à celui d’un mois de septembre), ce qui n’augure rien de bon pour le débit d’eau dans le canyon (on nous a dit que les anciens du village n’ont jamais vu le niveau de la Bendola aussi bas…).

Bon, on verra, et en attendant il faut reprendre la montée.

Le soleil chauffe de plus en plus mais, par chance, il y a un petit vent qui nous rafraichit un peu. La montée est toujours aussi fastidieuse et Elisabeth a envie de s’arrêter pour dormir… Il lui faudra attendre encore un peu… Mais je sais ce qu’elle ressent car il m’est arrivé la même chose dans cette montée, l’année où il y a eu un incendie. Ce n’est pas agréable et on n’est pas motivé pour avancer. Mais nous avons largement le temps donc pas la peine de vouloir courir. On fera les arrêts qu’il faut, c’est tout. Ce n’est pas la peine de s’épuiser car nous n’en sommes qu’au début et il reste 5 jours après, et qui seront bien chargés. Alors, prenons notre temps.

Nous arriverons sur le replat de la bergerie d’Anan vers 14h30 et nous nous poserons sous un bel arbre, une centaine de mètres avant les ruines de la bergerie.

On peut manger un peu et faire une sieste à l’ombre, pour récupérer. C’est vrai que ça fait du bien.

Nous devons maintenant aller remplir les gourdes dans la citerne de la bergerie, seul point d’eau avant d’arriver dans le lit du ruisseau de Marta, départ de la Bendola (en croisant les doigts pour qu’il y ait au moins un filet d’eau, ce qui est loin d’être certain). Mais ça, ce n’est pas avant demain qu’on pourra le savoir.

J’ai acheté une gourde rétractable qui devrait nous faciliter la récupération de l’eau dans la réserve. Effectivement, elle est bien pratique et nous remplissons gourdes et poches à eau par demi-litres, sans problème. Un bon investissement.

Nous prenons le temps d’installer le bivouac. Le sol est bien plat, herbeux, mais il faut quand même enlever quelques crottes de mouton, heureusement sèches.

Ramassage de petit bois pour le réchaud avec lequel nous ferons chauffer l’eau du repas et les cafés.

Nous dinons quand le soleil est en train de se coucher derrière les montagnes du Mercantour. La chaleur est moins intense et il devrait même faire bientôt un peu frais car nous sommes quand même à plus de 1400m d’altitude.

La nuit va bientôt tomber. Quelque chose de très embêtant nous interpelle tous les 3 en même temps : une odeur de charogne navigue jusqu’à nous par moments, mais elle devient de plus en plus présente et forte, insupportable même.

Nous avons remarqué qu’un cadavre de mouton était en décomposition dans les ruines, mais aucune odeur n’arrivait jusqu’à notre campement. Le vent a probablement changé de sens et pousse les effluves nauséabonds jusqu’à nous.

Impensable de penser passer la nuit dans ces conditions. Quoi faire ? Changer d’endroit ? Je n’en ai pas très envie car tout est déjà installé et il faut trouver un emplacement abrité de l’odeur, ce qui n’est pas évident.

Je propose d’essayer quelque chose avant d’envisager de déménager : il y a plusieurs plaques de tôle près du bâtiment et on peut essayer de masquer l’entrée avec, pour empêcher l’odeur de sortir par l’ouverture.

Après une petite demi-heure, nous avons posé les tôles qui montent au-dessus du niveau où est la carcasse.

De retour au camp nous constatons que c’est efficace et plus aucune odeur n’arrive jusqu’à nous. C’est vraiment une bonne chose car l’odeur a fait remonter les souvenirs de l’infection que nous avons dû subir au bivouac de la résurgence, l’année dernière.

Lundi 20 juin

La nuit a été tranquille et un peu fraîche avant le lever du jour, mais supportable.

Un engoulevent s’est installé à proximité et son chant, proche du bruit d’une mobylette, accompagne notre sortie des duvets bien douillets (surtout celui d’Evy, plus épais que le nôtre dont la principale qualité est d’être compact).

Petit déjeuner et remballage du campement. Le soleil va arriver et le ciel devrait être d’un bleu éclatant. Il va surement faire très chaud aujourd’hui encore.

Elisabeth a toujours des doutes à cause de son dos car elle a eu plusieurs douleurs aigues hier (sciatique). Elle hésite à continuer, puis se décide à voir jusqu’à l’endroit où Evy s’arrêtera…

Départ vers 8h30. C’est tard, mais il ne nous reste “que” 600m de dénivelé à grimper, mais hors sentier, avec des passages en dévers fatigants.

La montée jusqu’à la baisse d’Anan nous permet de nous échauffer pour le plat de résistance qui suit : les pentes de la cime d’Anan.

Petite pause à la baisse d’Anan (1555m d’alitude) avant d’attaquer en direct la forte pente.

Il ne fait pas encore trop chaud et nous sommes encore frais (pas comme l’an passé où nous avions déjà fait la longue montée entre la Pinée et la bergerie d’Anan avant d’arriver ici).

La progression sera relativement tranquille. Bien entendu, il ne faut pas chercher à avancer trop vite et ne surtout pas s’épuiser.

Comme l’année dernière, nous obliquons à gauche, près du sommet pour traverser le bois et rejoindre la crête.

Depuis le lever du jour nous avons entendu qu’il y avait des moutons sur les crêtes. Nous sommes maintenant à proximité du troupeau et les patous nous ont repérés. Ils descendent vers nous en courant et en aboyant. Il y en a 6 ou 7.

Evy n’est pas très rassuré. Je lui ai dit ce matin qu’il n’y avait rien à craindre. Il suffit de ne pas bouger et ne surtout pas gesticuler ni être agressif. Quelqu’un lui a dit qu’il fallait crier “Mouton..mouton..” pour que les chiens filent en 4ème vitesse. Je suis dubitatif…

Les patous nous entourent et réclament bien évidemment des caresses, ce que nous leur donnons avec plaisir. Un jeune chiot vient se frotter contre nous en remuant la queue et réclame son dû, comme les autres.

Evy qui a été ciblé par un beau chien essaye “sa” technique et crie “Mouton…mouton…mouton…” , mais le chien n’a pas l’air de savoir ce que cela peut bien signifier et il se colle encore plus contre Evy pour se faire caresser, ce qui nous fait bien sourire.

Avec le vacarme des aboiements et l’agitation des moutons, le berger, qui poussait un roupillon, se redresse et nous fait un grand signe de la main pour nous saluer… et se recouche….

Nous continuons notre chemin, suivis par un patou (ou plutôt une, probablement la mère du petit) qui nous accompagnera un moment tout en aboyant et remuant la queue.

Nous montons sur la crête en longeant maintenant le rebord du vallon de la Bendola qui plonge sur notre droite. Le soleil commence à vraiment chauffer et nous ne pourrons plus compter avoir de l’ombre jusqu’à notre arrivée. À peine un peu après la Baisse de Chiay. Je sens que ça va être dur.

Nous devons continuer à monter la pente jusqu’à la cote 1856 m pour rattraper ensuite la vire qui débouche sur l’escalade qui a tant effrayé Elisabeth (et Evy) l’an dernier.

Histoire de “gagner” quelques dizaines de mètres de dénivelé, je repère un semblant de passage dans le dévers qui devrait nous faire arriver juste après la vire. Nous quittons donc la crête, et c’est ici qu’Evy va s’arrêter. Elisabeth décide finalement de continuer, ses problèmes de dos semblant s’être atténués…

Après avoir fait nos adieux à Evy que nous ne reverrons plus cette année, nous nous engageons dans le passage sur le dévers très pentu du vallon de la Bendola.

En fait de passage, il n’y en a pas du tout et nous devons être très vigilants car un faux-pas ou une glissade serait catastrophique. Le cheminement qui paraissait simple s’avère en fait très compliqué et il faut y aller très très doucement pour aboutir… à une verticale infranchissable… Pour pouvoir continuer, il nous faut grimper quasiment à la cote 1856 m que nous voulions court-circuiter… Pas vraiment une bonne opération, dangereuse, et qui nous a fait perdre au moins 1 heure.

Evy, qui s’inquiétait de ne plus nous voir, est monté jusqu’à la pointe pour voir si nous n’étions pas en difficulté. En arrivant au bout de la vire, que nous avons enfin rejointe, nous le rassurons et il entamera son chemin de retour vers la bergerie.

Nous voilà au pied de l’escalade tant redoutée. Nous commençons l’ascension, tranquillement, et ça monte super bien. Du coup, Elisabeth se demande pourquoi elle a eu autant peur l’année dernière. Il faut dire qu’après ce que nous venons de passer juste avant, l’escalade est vraiment de la rigolade…. Comme quoi, tout est vraiment relatif.

Cette fois-ci, plus de raccourci, et nous grimpons jusqu’au sommet à 1882 m, altitude maximum du trajet.

Après une courte descente, il reste à longer tranquillement les pentes de la Pointe de Lugo. “Tranquillement”, c’est vite dit car il n’est pas évident de deviner les passages, la trace de l’ancien sentier de berger étant quasi invisible. En plus, il faut avancer dans le dévers, ce qui nous donne un avant-goût de ce qui nous attend plus loin sur les pentes du Balcon de Marta.

Nous atteignons la Baisse de Chiay et prenons la direction de la Baisse de Pourtiguère. Petite pause dans le bois après la Baisse de Chiay pour manger un peu et se reposer, à l’ombre.

Impossible de trouver un endroit plat et nous nous posons près d’un mélèze à côté duquel se trouve une souche d’arbre mort. On réussit à caler les sacs et à s’asseoir tant bien que mal. En tout cas, on ne pourra pas faire une sieste ici, et ce n’est pas plus mal car il reste du chemin à faire.

Après un déjeuner plutôt léger, nous allons repartir. En remettant mon sac sur le dos, celui-ci me déséquilibre et pour me rattraper je pose un pied sur la souche d’arbre. Un peu trop fort sans doute car elle craque et casse net. Évidemment, le résultat ne se fait pas attendre : je bascule dans la pente après une chute de 2 m et commence à rouler vers le bas. Je réussis  à stopper ma chute, mais le sac, lui, continue à rouler vers le bas. Il sera heureusement arrêté par un arbre, mais une centaine de mètres plus bas…

J’en serai quitte pour une vilaine grande éraflure au tibia droit. ça aurait pu être bien pire.

Après avoir récupéré mon sac et remonté le dénivelé inutilement perdu, nous rejoignons la Baisse de Pourtiguère,  à 1835 m d’altitude. Il nous reste la dernière partie à faire et qui ne va pas être des plus agréables car nous allons cuire sous le soleil qui chauffe un maximum. Pas de sentier non plus ici, et il faut deviner l’ancienne trace qui est  souvent indiscernable. La progression est lente et nous nous arrêtons dès qu’il est possible de profiter de l’ombre d’un petit arbre ou d’un gros arbuste.

Nous guettons avec impatience le moment où nous apercevrons le gros vallon arboré que nous devons traverser avant d’attaquer la descente finale. Mais c’est encore loin, très loin nous semble-t-il. Nous avons l’impression que nous n’y arriverons jamais.

Enfin, le voilà ce vallon. Ce n’est pas trop tôt. On peut entendre l’eau couler, en bas. C’est déjà une bonne chose, car sans eau, difficile d’envisager un bivouac.

Après la grande descente toujours aussi délicate, surtout en étant fatigué, nous voilà enfin dans le lit du ruisseau de Marta qui coule bien, quand même.

Il nous reste environ 200m à faire dans le ruisseau pour arriver à l’emplacement du bivouac, au pied d’une pente rocheuse et d’une petite vasque.

Ça y est, nous posons les sacs. Il est quand même 18h30. Nous avons mis pas mal de temps pour faire le trajet, et en plus nous sommes partis de la Bergerie d’Anan et pas de la Pinée comme l’an passé. Le mauvais détour et la chaleur, que nous n’avons pas eus l’année dernière y sont très certainement pour quelque chose . Bon, ça ne fait rien, l’essentiel est d’être là maintenant.

Installation du bivouac. Abri ou pas abri ? telle est la question. Le temps semble être au beau fixe, alors nous décidons de ne pas l’installer.

Il faut quand même aplanir l’endroit du couchage et récolter du bois pour faire un feu qui servira à chauffer l’eau du repas. La fatigue se fait bien ressentir, et chacun vaque à sa tâche sans précipitation.

L’eau chauffe, nous pouvons nous poser et commencer à manger. Pour les 4 repas restant, nous avons des pâtes bolognaises, mais de 2 marques différentes. Ce soir nous choisissons celles à l’emballage bleu, des 130 grammes. Elisabeth a mangé les mêmes hier soir et ne les a pas trouvées vraiment bonnes. On va voir ce soir…

À l’unanimité, elles ne sont vraiment pas bonnes du tout. En plus nous avons oublié de prendre le parmesan qui aurait pu donner un peu de goût… En tout cas, il n’y en aura plus pour les autres soirs. Il faut juste espérer que les autres seront meilleures.

Après un bon café/thé, nous finissons d’installer le couchage et nous entrerons dans les duvets avant la nuit. Quel plaisir de se retrouver en position allongée avec le confort du matelas pneumatique. Un délice.

Je crois que nous n’avons pas mis longtemps avant de sombrer dans un sommeil réparateur, qui ne durera pas longtemps pour ma part. Mais quelques heures, c’est déjà pas mal.

Mardi 21 juin

La nuit a été calme. Pas de pluie, par chance, ni trop froid malgré l’altitude et la proximité de l’eau. Pas bon signe cela…

En attendant il fait beau et la journée s’annonce chaude malgré le vent rafraichissant qui descend des sommets culminant à plus de 2000m.

Après plusieurs cafés, nous commençons le remballage du camp. Ça devrait prendre moins de temps que l’an dernier car il n’y aura plus de corvée de fermeture des emballages de protection des sacs étanches. Plus d’adhésif à mettre pour les fermer, ça va nous faire gagner environ 1 heure.

Finalement, il sera quand même 10h30 quand nous décollerons. C’est mieux que l’année dernière, mais c’est quand même tard…

C’est parti ! La mise en route est un peu dure. Plusieurs passages en vire pas évidents, et lors desquels il faut éviter de glisser. La fatigue de la veille n’est pas encore complétement dissipée et le sac ne facilite pas les choses.

L’eau s’est enfilée sous terre dès le premier ressaut et les passages dans le lit du ruisseau seront secs, et donc ne glisseront pas, ce qui présente un avantage certain.

La première vasque est toujours là, bien remplie, et il faut la traverser à la nage. Je passe en premier afin de filmer la traversée d’Elisabeth. Pour éviter que la caméra soit mouillée, je la fixe sur le support de casque.

Arrivé de l’autre côté de la vasque, pas très froide soit dit en passant, j’enlève mon casque pour récupérer la caméra, et je le pose par terre, le temps de faire la prise de vue.

Elisabeth me rejoint et nous continuons la descente sous les rayons du soleil qui commence à chauffer. Heureusement que le petit vent est toujours là pour nous rafraichir.

Plusieurs désescalades faciles et le 1er rappel est là. Pas d’eau courante qui cascade dans la vasque du bas qui est donc plutôt opaque.

Nous continuons la descente tranquillement. Depuis un petit moment déjà je ressens une impression de “liberté” que je n’arrive à m’expliquer. Certes, nous sommes en pleine nature, libres (malgré les falaises qui bordent le vallon), mais quand même, c’est bizarre.

D’un coup je percute ! Mon casque ! Je ne l’ai pas sur moi ! Voilà pourquoi ce sentiment de liberté, moi qui ne supporte pas d’avoir quelque chose sur la tête… J’ai oublié de remettre mon casque après la traversée de la 1ère vasque.

Malheureusement, impossible de remonter pour le récupérer, ne serait-ce qu’à cause du rappel que nous venons de descendre et qui n’est pas escaladable car il est en surplomb…

Bien, il faut se faire une raison, je devrai continuer sans casque. Après tout, avant 2005 j’ai fait la descente de la Bendola plus d’une dizaine de fois sans casque… alors une fois de plus…

Les rappels et désescalades se succèdent sans problèmes notables. Petite pause vers 14h30 pour manger un peu, au niveau du gros vallon dans lequel il restait un gros névé en juin 1996… Pas de risque de trouver de la neige cette année. Une question me taraude l’esprit depuis un bon moment : y aura-t-il de l’eau dans le petit affluent qui arrive à l’endroit du bivouac prévu pour ce soir, avant la cascade de 45 m. Rien n’est moins sûr…

Après ce petit arrêt qui nous a permis de nous rafraichir un peu, nous repartons car il reste encore un bout de chemin avant de rejoindre l’affluent. Il fait chaud, mais j’ai déjà connu pire. Il y a un peu de vent qui circule dans le vallon et c’est presque suffisant pour ne pas “exploser” comme une cocotte-minute. Les vasques à traverser ne sont ni rafraichissantes ni ragoutantes. Une odeur de marais remonte lorsqu’on les traverse et on redouble d’acrobaties pour éviter de plonger dedans, mais parfois c’est impossible d’y couper.

Voilà les passages qui me servent de repères pour savoir que nous arrivons bientôt : la grande descente en opposition suivie d’un rappel encaissé avec arrivée dans une vasque particulièrement glauque et inhospitalière…

Le ciel se voile un peu et il est environ 17h30 lorsque nous arrivons à l’endroit prévu pour le bivouac de ce soir.

En général j’entends le bruit de l’eau de l’affluent un peu avant d’arriver, mais aujourd’hui, rien… rien que le bruit du vent dans les arbres. Aïe, pas bon. Je ne vois pas comment bivouaquer si nous ne pouvons pas avoir d’eau. Je pose (jette) le sac et file en 4ème vitesse vers l’affluent que je remonte en cherchant l’eau. Une centaine de mètres plus haut, un peu d’eau s’écoule. Ouf ! Je respire.

En grattouillant un peu et en aménageant l’écoulement, nous réussirons à remplir gourdes et poches à eau sans trop de difficultés. C’est une très bonne chose.

Il faut maintenant préparer le bivouac. Niveler l’endroit du couchage. Ça ira vite car il n’a pas trop bougé depuis l’an dernier.

À notre arrivée, nous avons dérangé un bon gros crapaud (un mimile comme je les appelle) qui se prélassait tranquillement. Suite à notre invasion, il était allé se réfugier sous une racine, mais maintenant il a décidé de quitter carrément les lieux pour trouver un endroit plus tranquille (ce qui ne manque pas). Ciao Mimile !

C’est maintenant l’heure de notre grand jeu du soir : Quitte ou Double ? Nous sommes tous les deux d’accord pour tenter encore une fois le Double, donc de ne pas monter l’abri. Pourtant le ciel est quand même voilé, c’est gonflé. Mais il faut vivre dangereusement, non ?

Nous ramassons suffisamment de bois pour ce soir et demain matin. L’emplacement du couchage est maintenant prêt. On peut ouvrir les bidons, sortir les affaires et enfiler des vêtements secs. Les sacs étanches ont bien rempli leur office aujourd’hui, mais ils n’ont pas trop été sollicités, donc ce n’est pas vraiment significatif.

Au menu de ce soir : pâtes à la bolognaise ou … pâtes à la bolognaise, au choix… Ce n’est pas la même marque qu’hier, aussi peut-on espérer…

Le feu est démarré et l’eau chauffe dans la gamelle. En attendant que les pâtes macèrent dans l’eau chaude, jambon fumé, pain et fromage sont avalés. On attendra un peu pour engloutir le Balisto qui fait office de dessert.

Alors, comment sont ces bolognaises ? Bof, mais moins pire qu’hier. Décidément, le parmesan aurait été appréciable… Au moins, ce sont des rations de 80 grammes et non pas 130 comme celles de la veille. Donc, ça ira, globalement.

Le jour décline petit à petit et le canyon s’assombrit. La journée s’est bien déroulée et mis à part le petit stress de l’eau dans l’affluent et l’oubli regrettable de mon casque presque au début, aucun problème à signaler.

Ça fait vraiment plaisir de retrouver la Bendola. Un an d’attente pour replonger dans cette atmosphère particulière, loin de tout. Combien de fois pourrai-je encore revenir ici ? La montée a été très difficile et, en avançant, je me disais que je ne pourrai faire cela une fois de plus. Mais je crois que je me dis ça chaque année. Cette fois, je l’écris. De cette manière je me rappellerai que je pensais cela en 2022…

Aujourd’hui, pendant que je rédige ce compte rendu,  je pense pouvoir encore le faire. Comme toujours, le cerveau idéalise et ne conserve que le meilleur. La difficulté passe au second plan et on ne voit plus que le bon côté de l’aventure.

Et puis, en n’étant pas seul, c’est quand même moins difficile, surtout pour le moral. Heureusement qu’Elisabeth n’a pas fait demi-tour sur les crêtes d’Anan car je n’étais pas “psychologiquement” prêt à faire la descente seul. Qu’aurais-je fait si elle avait renoncé ? Je ne sais pas…

Nous nous coucherons avant que la nuit tombe complétement au fond du canyon, et comme hier, nous ne mettrons pas longtemps avant de nous endormir, bercés par le crépitement du feu dessinant des ombres animées avec le feuillage des arbres qui nous entourent.

Quelques heures plus tard, je suis réveillé, et impossible de retrouver le sommeil. Il ne reste donc qu’à attendre le lever du jour. Vers 5 heures, pendant que je somnole vaguement, je perçois un bruit que ne me plait guère. Rêve ou pas rêve ? J’ouvre les yeux pour être certain de ne pas dormir. Oui, c’est bien cela : le bruit de gouttes d’eau tombant sur le feuillage des arbres. Branle-bas de combat moussaillon, il pleut !

Je réveille Elisabeth qui a vite fait de comprendre et se lève d’un coup. Il faut tout remballer avant qu’il ne pleuve vraiment beaucoup. On commence par ce qui craint le plus : duvet, sursac, matelas et vêtements secs remballés en vitesse dans les bidons.

Mercredi 22 juin

5h30, nous avons déjà la néoprène sur le dos et on peut quand même prendre le temps de préparer un café, car le plus important est maintenant à l’abri.

La pluie n’augmente pas et finit même par s’arrêter. Nous prenons le temps d’avaler le petit déjeuner. Pas très loin de nous, 2 chevreuils manifestent leur présence ou peut-être leur mécontentement d’être dérangés par les intrus que nous sommes. Ils devront quand même patienter jusqu’à 9 heures, le temps que nous attaquions notre deuxième journée de descente de la Bendola.

Il est incroyablement tôt et nous frisons l’exploit. Ce soir nous nous arrêterons à la résurgence et nous devrions avoir une journée pas trop dure.

La pluie recommence à tomber après notre départ. La roche risque donc d’être glissante. Soyons prudents, inutile de courir.

Nous arrivons tout de suite à la cascade débutant par un surplomb, et qui aboutit dans une vasque profonde et vivifiante de bon matin.

Je descends en premier et me plonge dans la vasque bien fraîche, mais pas trop en définitive. Elisabeth passe le surplomb sans difficulté et descend jusqu’à se plonger également dans la vasque pour pouvoir ensuite rappeler la corde.

Une petite pluie tombe régulièrement et l’eau recouvre la roche du vallon. Le ciel, uniformément gris, ne laisse pas espérer une amélioration prochaine.

Après la vasque, une dalle déclive fait suite et je préfère installer un rappel à partir d’un arbre maigrichon plutôt que de risquer une glissade inutile et à l’issue incertaine.

Autre rappel, d’une douzaine de mètres, arrivant dans une vasque profonde et dont la sortie est particulièrement glissante. C’est dans cette vasque, qu’en 2020 la corde a eu la bonne idée de filer au fond et, sans la présence providentielle d’une longue branche, je serais resté bloqué sans possibilité de descendre, ni de remonter…

La grande cascade est juste après, mais il faut d’abord équiper le toboggan de 20 m qui la précède et descendre jusqu’à la chaîne d’amarrage dominant la verticale de 45m. Je me longe sur la chaîne et enlève mon descendeur. Elisabeth me rejoint, se longe également sur un maillon de la chaîne d’amarrage et enlève la corde de son descendeur.

Moment toujours délicat et impressionnant, j’attache la corde de 50m sur moi et la rappelle  avant de glisser un des bouts dans le maillon delta.

Nous sommes maintenant suspendus tous les deux en plein milieu de la falaise et c’est toujours un peu angoissant. Prudence prudence, il ne faut pas commettre d’erreur et bien réfléchir à ce que l’on fait.

Je place le descendeur en 8 sur la corde et le bloque contre le delta de l’amarrage. Reste ensuite à accrocher la cordelette de rappel sur le descendeur. Et voilà, tout est prêt. Je peux commencer la descente en veillant à ce que la cordelette ne s’emmêle pas avec la corde.

Quelques minutes plus tard, je pose les pieds au sol et c’est au tour d’Elisabeth de descendre.

Petit pincement au creux de l’estomac avant d’essayer de rappeler la corde, mais finalement elle coulisse bien et finit par tomber au sol.

Voilà une bonne chose de faite.

J’équipe la descente suivante qui nous amènera dans la vasque “au rat”, bien noire aujourd’hui sous le ciel pluvieux.

L’ambiance est austère dans cet environnement encaissé uniquement minéral et aquatique. Il fait presque nuit et il n’y a aucun bruit, à part celui de notre matériel métallique et le clapotis de notre progression dans l’eau quand nous traversons la vasque ténébreuse.

Une belle verticale de 18 m, également très encaissée, suivie d’une longue vasque sombre et profonde.

Nous sortons bientôt de la faille étroite pour déboucher dans le grand chaos, encombré de blocs énormes à contourner ou descendre après avoir trouvé le bon passage dans ce labyrinthe de géant.

Désescalades, rappels dans les arbres ou à partir de broches. La pluie recommence à tomber. Nous nous arrêterons à l’abri d’un surplomb et en profiterons pour casser la croûte. Je me rappelle bien cet endroit où je m’étais abrité d’un gros orage pendant plus d’une heure, en 2019. Je faisais la descente en solo et j’avais eu un gros coup de blues, seul au milieu de cet environnement dantesque qui me paraissait tellement hostile à ce moment.

À deux, c’est plus facile à supporter et on attendra tranquillement que la pluie se calme. Nous ne sommes plus très loin du bivouac, donc il n’y a pas d’urgence.

La pluie diminue progressivement et nous pouvons reprendre la descente. Juste après, nous arrivons en haut d’un rappel de 18 m avec, en bas, la vasque de la “couleuvre” comme elle se nomme dorénavant depuis l’année dernière où j’ai pu voir un magnifique spécimen de couleuvre noire et jaune de belle taille.

J’équipe le rappel et descends en me laissant glisser le long de la corde. Traversée de la vasque et passage sous le gros bloc où j’étais tombé nez à nez avec le serpent, mais aujourd’hui il n’y a personne (de visible en tout cas…). Je sors la caméra au cas où…

Elisabeth descend à son tour et me demande, évidemment, s’il n’y a pas de serpent. Je la rassure et elle traverse également la vasque pour passer sous le bloc, en surveillant quand même autour d’elle. On ne sait jamais…

Un autre rappel faite suite, juste après. On ne peut pas voir le bas, mais je sais que l’arrivée se fait dans une vasque au fond pentu et glissant. En général, elle est plutôt glauque et on essaye d’entrer le moins possible dans ce cloaque.

Je positionne la corde dans l’amarrage en 2 parties égales et je commence la descente. Dès que je peux apercevoir le bas du rappel, je me rends compte que la corde n’arrive pas en bas. Il manque 3 à 4 m pour atteindre la vasque. Bizarre. J’étais pourtant persuadé que la corde de 38m était suffisante…

Je continue à descendre jusqu’au bout de la corde et je me cale pour pouvoir ôter le descendeur. Je finis la descente en désescalade en veillant à ne pas glisser pour ne pas filer au fond de la vasque d’eau croupie. J’ai d’autant moins envie de finir dedans qu’un serpent surnage dedans…

Je ne dis rien à Elisabeth. Elle le verra bien assez tôt…

J’enlève mon sac pour pouvoir escalader le bloc de pierre qui barre le passage jusqu’au rappel suivant. Il flotte sur la vasque et dérive doucement. Pas grave, Elisabeth pourra le récupérer et me le passer ensuite pour que je le hisse avant de faire la même chose avec le sien.

Reste un problème à régler : la corde n’arrivant pas en bas, Elisabeth aura des difficultés à pouvoir la rappeler. Je lui explique que la corde ne va pas jusqu’en bas et que je vais lui expliquer la manœuvre qu’il faudra faire. J’en profite pour lui dire qu’il y a un beau petit serpent qui prend un bain dans la vasque, mais bon, il a l’air plutôt sympa et inoffensif… Tu parles, Charles…. Ça s’annonce mal. La corde trop courte + le serpent, ça fait beaucoup. Mais chaque chose en son temps. D’abord pouvoir récupérer la corde. Elle arrive en bout de corde et, bien évidemment cherche le serpent des yeux… Je lui envoie un bout de la corde de 50m pour qu’elle l’attache à un des bouts de la corde sur laquelle elle est, et lui demande de s’attacher à l’autre bout de cette corde. De cette manière, je pourrai la descendre et nous arriverons à rappeler la corde.

Ça, c’est réglé. Reste mon sac à ramener et, surtout, le serpent !

J’assure la descente d’Elisabeth jusqu’à la vasque mais elle aperçoit le serpent qui se rapproche d’elle en gigotant alors qu’elle entre dans l’eau. S’en suit une véritable séquence digne des dents de la mer, au moment où le monstre s’apprête à grimper sur le sac d’Elisabeth…

Finalement, le calme revenu, elle échappe au monstre, récupère mon sac, me le passe ainsi que le sien et me donne le bout de la corde pour que nous la rappelions en toute tranquillité, une fois sortie de l’antre du serpent sanguinaire (là, j’en fait peut-être un peu trop).

Le rappel suivant est descendu sans encombre et nous arrivons dans le cirque rocheux qui précède la grande dalle déclive surplombant la résurgence. La roche est bien mouillée et il faut s’assurer l’un l’autre pour descendre un petit ressaut qui nous fait atterrir sur un rocher glissant situé juste en bordure de la verticale suivante.

Rappel de 10m arrivant dans la vasque froide en bas de la résurgence qui coule vraiment très faiblement aujourd’hui. Mais elle coule quand même, c’est déjà ça.

Descente de la grande dalle inclinée qui précède l’arrivée à l’emplacement du bivouac de ce soir. L’année dernière nous avions dû supporter (difficilement) l’odeur d’une charogne en pleine décomposition, mais cette année, plus de traces de la carcasse, à part quelques ossements. Ça devrait être plus sympa ainsi.

Il est à peine 16h30 lorsque nous tombons les sacs. Nous allons avoir le temps de préparer le bivouac. Il ne pleut plus et le ciel semble vouloir se dégager. Alors, Quitte ou Double ? Abri or not abri ? La nuit dernière, nous avons eu chaud à cause de la pluie. Va-t-on récidiver ? D’un commun accord et après concertation de toutes les parties concernées, nous allons oser ne pas monter l’abri, une fois encore…

Il faut maintenant tout installer et aller récupérer du bois.

Le terrassement de l’endroit du couchage ne prendra pas trop longtemps, même si visiblement une ou plusieurs crues sont passées par là depuis juin 2021.

Le bois devient plutôt rare par ici et il faut fouiller les moindres recoins si on veut en trouver suffisamment pour ce soir et demain matin.

Ça fait plaisir de pouvoir profiter de l’endroit sans devoir se cacher pour fuir l’odeur nauséabonde, surtout pendant le repas…

Pas de trace du flacon d’antésite que nous avions oublié l’année dernière. Probablement emporté par une crue.

Il faudra économiser le bois et nous ne pourrons pas faire une grande flambée comme les soirs précédents.

Au menu ce soir : pâtes bolognaises, ça va de soi…

On les trouve presque bonnes ce soir. Avec du parmesan, ça aurait été “parfait”…. (c’est toujours ce que nous n’avons pas qui nous manque terriblement, vous avez déjà remarqué ça ?)

Bon, on profite du calme tout en mangeant. Seuls le bruit du vent dans les arbres et le très faible murmure de l’eau se font entendre. Avec parfois le roulement des pierres qui dévalent le petit couloir d’avalanche situé à proximité de l’endroit où nous dormirons… nettement moins agréable comme berceuse. La pluie de cet après-midi a provoqué de petits éboulements un peu partout. En principe, nous ne sommes pas trop exposés, pas trop…

Le repas terminé, et après un bon café/thé, nous terminerons l’installation du couchage et, comme les autres soirs, nous nous glisserons dans les duvets avant que la nuit ne recouvre intégralement le campement.

Le feu brûle encore faiblement et je crois que nous nous endormirons bien avant que les dernières flammes s’éteignent.

Jeudi 23 juin

Nous avons encore eu de la chance car il n’a pas plu cette nuit, ni même ce matin quand nous nous levons.

Mais le ciel ne semble pas très dégagé, et il ne faut pas trop s’attendre à être inondé de soleil aujourd’hui, pour cette longue journée qui devrait se terminer au bivouac des strates, après la vasque en cœur.

Nous remballons tranquillement le campement après le petit déjeuner. Hier soir j’ai placé un petit quelque chose sur le bel arbre qui domine les verticales suivantes, à l’attention de Nicolas qui va faire sa 1ère descente de la Bendola les 2 et 3 juillet prochains. Cela fait 3 ans qu’il se prépare pour cela et ça va bientôt être le grand jour. J’espère qu’il appréciera cette descente même s’il la fait en 2 jours, car c’est en regardant mes vidéos de descente en solo, sur Youtube, qu’il s’est passionné pour ce canyon et s’est fixé comme objectif d’en faire la descente.

C’est aujourd’hui le moment de vérité pour les sacs étanches. Il va y avoir beaucoup de passages aquatiques et nous verrons s’il est vraiment superflu de scotcher le sac de protection supplémentaire. En tout cas, nous “gagnons” du temps à ne pas mettre d’adhésif, c’est certain.

Malgré cela nous partirons quand même vers 9h30. On ne peut pas dire que ce soit tôt. Surtout que la journée va être longue et dense.

Un dernier coup d’œil pour vérifier que nous n’avons rien oublié (le nouveau flacon d’antésite par exemple…) et nous attaquons la 1ère désescalade avant de descendre le 1er rappel de 12m, qui réveille les anciennes douleurs dans mon coude gauche. C’est en effet ici que j’ai fait, il y a quelques années, un large pendule qui a été stoppé par mon casque et mon coude gauche. Si le casque n’a rien dit et n’en a même pas souffert, le coude, lui, a pris une bonne claque et le choc a déclenché une bursite douloureuse qui a quand même mis plus de 6 mois à guérir.

En bas, une belle verticale de 20m amène dans une vasque bien froide mais heureusement pas trop profonde. Plus de traces non plus du pauvre chamois tombé de la falaise l’année dernière et qui a fini sa vie en bas de cette cascade.

Nous voici en haut du grand toboggan de 20m qui débouche dans cette belle grande vasque précédant la grande cascade de 40 mètres.

La vasque est malheureusement encore à l’ombre, comme c’est souvent le cas à l’heure où nous arrivons ici. Nous n’aurons pas la chance de voir les rayons du soleil l’éclairer pour lui donner cette magnifique couleur vert émeraude.

Le débit d’eau est vraiment mini mini et un mince filet d’eau dévale le toboggan.

De toute façon, le ciel s’est à nouveau couvert et ça sent la pluie. Décidément cette année, non seulement c’est la sécheresse, mais en plus on trouve le moyen d’avoir de la pluie, pas suffisamment pour augmenter le débit de la Bendola, mais assez pour ne pas pouvoir bénéficier du soleil dans les vasques et rendre la roche glissante. C’est quand même un comble !

Après la belle vasque, petit ressaut glissant et nous voilà en haut de la cascade de 40m. Je refais le même équipement que pour la 45m : corde de 50m bloquée avec le descendeur en 8 et cordelette en dyneema pour le rappel.

Je n’ai même pas fini l’équipement que la pluie s’invite pour la descente, bien qu’elle n’y ait pas été invitée…

J’attaque la descente jusqu’au bombement et m’arrête pour admirer la vue plongeante sur la grande vasque en bas de la cascade. Toujours aussi beau. Je ne m’en lasserai jamais.

Je prends garde à bien séparer la cordelette de la corde pendant la descente.

Arrivée dans la vasque profonde et nage jusqu’à l’autre rive. Je sors la caméra pour filmer la descente d’Elisabeth. Cette cascade est vraiment magnifique avec la courbure que dessine l’eau sur la roche et la végétation qui recouvre une bonne partie de la falaise.

Elisabeth traverse la vasque et il faut maintenant croiser les doigts pour que le rappel de la corde fonctionne.

En utilisant une corde double, le rappel est difficile à tirer, mais avec la cordelette, je constate une fois de plus que ça va nettement mieux. La corde remonte petit à petit pour finalement sortir de l’anneau d’amarrage et tomber avec un long sifflement dans la vasque profonde et aujourd’hui bien sombre.

La pluie augmente encore, et le cheminement risque maintenant d’être bien glissant. Mais on ne peut pas s’arrêter sinon nous arriverons très tard au bivouac. Alors on y va doucement et prudemment. Le risque de chutes de pierres va aussi augmenter dans cette partie où les falaises qui bordent la rivière font quasiment 1000 m à certains endroits… Pas très rassurant, et encore moins sans casque…

En contrepartie la température est agréable pour progresser. Petite consolation quand même.

Nous nous arrêterons pour déjeuner à l’endroit habituel, juste avant une cascade de 7m. La pluie s’est enfin arrêtée et le ciel semble s’éclaircir un peu. Il nous reste peut-être 1h-1h30 avant d’arriver à la vasque en cœur, et nous repartons assez vite. Descente de la cascade de 7m, vasque profonde, saut dans une vasque peu profonde pour éviter  une mauvaise glissade (qui m’a fait faire un tape-cul désagréable, il y a plusieurs années, provoquant une douleur dans le dos que j’ai traînée jusqu’à la sortie du canyon, et plus).

Le temps s’est stabilisé. Le soleil fait quelques apparitions timides. Par endroits, le cours d’eau disparaît pour couler sous les éboulis. Heureusement, il réapparaît assez vite, mais le débit est vraiment très faible. Nous ne devrions pas tarder à arriver à la vasque en cœur.

À l’approche d’un ressaut à descendre, je sens une forte odeur. Au moment d’atteindre le bas du ressaut, j’entends un gros bruit et vois un animal partir vers l’aval, mais il semble avoir du mal à avancer. C’est un sanglier blessé. En fait, il se traîne en utilisant uniquement ses pattes avant Il doit avoir au moins une patte arrière cassée mais je pense plutôt qu’il a le bassin fracturé (il est probablement tombé de la falaise). Le pauvre animal est complétement terrorisé en nous voyant approcher. Il ne peut pas descendre très loin car un rocher bloque le passage et ensuite un ressaut de 2 ou 3m aboutit dans une vasque assez profonde. Il ne peut ni descendre ni monter. Il s’est fait un abri dans une cavité sous une grosse racine, mais il n’y a pas de nourriture. Ce pauvre sanglier est condamné à mourir de faim et nous ne pouvons rien faire pour lui. C’est vraiment terrible. Nous essayons de passer le plus loin possible de lui pour ne pas l’apeurer, mais il nous suit du regard en claquant des dents (on appelle cela “casser des noisettes”).

Depuis, je pense sans cesse à lui. Qu’aurions-nous pu faire ? De toute façon, il était impossible de l’approcher.

Il nous faut continuer…

Nous atteignons la vasque en cœur vers 16h30 et faisons une petite halte dans ce lieu idyllique. Nous sommes à environ 1h30 du bivouac des strates et la fatigue commence à se faire sentir.

Il reste le toboggan à descendre, en se laissant glisser pour plonger dans la vasque profonde, en bas. Nous y arrivons bientôt et constatons que l’eau ne coule pas sur le toboggan. Le niveau est trop bas et l’eau s’insinue entre les blocs de pierre pour rejoindre la vasque. C’est la première fois que je vois ce toboggan à sec.

Nous nous plongeons dans la belle vasque profonde qui fait suite pour nous rafraichir un peu car il fait chaud bien que le soleil soit voilé.

Il est 18 heures lorsque nous arrivons au bivouac des strates. Après 8h30 de progression, nous posons enfin le sac. L’endroit ne manque pas de bois mort et l’emplacement du couchage n’a pas été trop chamboulé depuis l’année dernière. Il ne faudra pas trop longtemps pour obtenir un replat acceptable où nous installer.

Nous allons commencer par voir si les sacs étanches ont bien résisté. Les 5 sacs n’ont pas pris l’eau du tout. Parfait !

Nous sommes quand même un peu fatigués et les préparatifs se feront au ralenti.

Bien entendu, nous participerons au jeu quotidien Quitte ou Double et, d’un commun accord nous choisissons une dernière fois de ne pas monter l’abri. Le ciel semble se dégager complètement et on peut raisonnablement espérer qu’il ne pleuve pas cette nuit.

Les pâtes, ce soir, semblent encore un peu meilleures qu’hier et nous nous surprenons à les apprécier (elles auraient quand même été encore meilleures avec du parmesan, j’en suis sûr…).

Comme les autres soirs, nous nous coucherons avant la nuit complète. C’est le dernier bivouac dans la Bendola et ça me rend toujours triste. Comme les autres années, je n’ai pas vu passer ces 5 jours, et demain nous serons déjà sortis. Ça va être difficile de replonger dans la “civilisation” et de quitter cette “bulle”, ce petit monde encore à peu près protégé de la présence humaine.

Le sommeil ne vient pas, et au fur et à mesure que la nuit s’épaissit, nous sommes entourés de plus en plus de clignotants : le bal des lucioles a commencé et il durera une bonne partie de la nuit. Des centaines de petites lumières virevoltent sous les arbres. D’autres point lumineux, fixes ceux-là, emplissent le ciel et promettent une nuit calme.

Bercé par le bruit de l’eau qui coule à une dizaine de mètres de là, je finirai par m’assoupir alors qu’Elisabeth est déjà en train de scier du bois dans quelque contrée lointaine, depuis déjà un bon moment.

Vendredi 24 juin

Voilà, c’est la dernière journée dans le canyon. Nous prenons notre temps pour le petit déjeuner car nous n’avons vraiment pas envie de nous presser pour sortir. Profitons au maximum du temps qu’il nous reste. Le ciel est bien dégagé et nous aurons peut-être une belle journée ensoleillée, peut-être… En tout cas, il n’a pas fait froid cette nuit et aucune humidité au sol, ce qui, bien entendu, ne me convient que moyennement. Mais c’est déjà arrivé qu’il n’y ait pas de rosée le matin et d’avoir une belle journée ensoleillée. Enfin, ça a dû peut-être déjà arriver…

Bon, Il va falloir quand même commencer à tout remballer car la journée va être longue et il faut sortir avant qu’il ne fasse trop sombre dans le canyon.

Nous quittons le bivouac des strates à 9h30, sous le soleil.

La mise en route est un peu lente (le cœur n’y est pas). Heureusement, il ne fait pas encore très chaud. Aujourd’hui, pas de gros obstacles à passer, mais beaucoup de marche en rivière et des traversées de rétrécissements avec de beaux biefs encaissés à franchir à la nage. Si le soleil se maintient, les parties de marche vont être fastidieuses à cause de la chaleur. Encore que j’ai la chance d’avoir un petit polo fin en néoprène de 2.5mm d’épaisseur alors qu’Elisabeth est enfermée dans sa combi de 5mm (donc 5mm pour la salopette + 5 mm pour la veste soit 10mm de néoprène pour le corps). Dur dur…

J’ai l’impression que nous avançons moins vite que l’année dernière. Peut-être parce qu’Evy ne sera pas là à nous attendre au Pont de la Baragne, et donc pas de risque de le faire poireauter.

Nous atteindrons le bivouac du requin à 12h30. Effectivement nous avançons plus lentement qu’en 2021 où nous avions fait le même trajet en un peu plus de 2 heures. Pourtant, il y a moins d’eau et les rochers émergent donc plus, ce qui facilite la progression de pierre en pierre, réduisant ainsi le risque de glissade dans l’eau. Nous ferons un arrêt un peu plus loin pour nous reposer et nous rafraichir un peu.

Nous sommes à environ 1h30 – 2 heures du Pont de la Baragne en avançant à ce rythme, donc nous avons de la marge. Il faudrait y être au maximum à 16 heures, de manière à pouvoir être à la sortie, au pont du Castou, vers 19 heures.

Donc, nous pouvons prendre (un peu) notre temps.

Il y a pas mal de mimiles cette année. Des beaux, bien nourris, qui se calent contre les parois des biefs et se confondent avec la roche. Nous avons même vu 3 salamandres, alors que je n’en avais jamais rencontré dans la Bendola. Nous verrons aussi, malheureusement, comme à chaque fois, plusieurs animaux morts (chevreuil, sanglier, rat, belette…) tombés probablement des falaises. Bien vivant, celui-là, un petit serpent qui cherchera à me mordre alors que je voulais le caresser (pas très sympa ça).

Il fait bien chaud, mais le soleil se voile progressivement. La température de l’eau est agréable, avec la néoprène bien entendu.

Vers 14h30, nous passons à proximité d’un rocher monolithique bien caractéristique qui indique que nous approchons du Pont de la Baragne.

Peu de temps après nous l’apercevons en effet au loin, à travers les branchages des arbres qui bordent la rivière. Apparemment, il a été réparé depuis le passage de la tempête Alex de 2020 qui l’avait bien secoué et déplacé les 2 poutres principales enjambant le cours d’eau à plus de 4 m de hauteur.

Nous nous arrêterons un moment avant d’attaquer la dernière partie comportant de nombreux encaissements avec des grands biefs à traverser.

Le ciel voilé est maintenant devenu gris uniforme et, alors que nous allions nous remettre en marche, un premier coup de tonnerre retentit, puis un deuxième. L’orage se rapproche rapidement. Il est plus prudent d’attendre car nous n’avons aucune idée de ce que ça va donner. Une fois passé le pont, plus moyen de sortir facilement du canyon et si le niveau venait à monter subitement, nous risquons d’être pris au piège.

La pluie tombe de plus en plus fort et nous nous calons le plus possible à l’abri des feuillages qui, très vite, deviennent absolument inefficaces.

Nous avons la néoprène sur le dos, mais en restant immobiles, nous ne serons pas longtemps protégés du froid. Espérons que l’orage va vite partir, d’autant que le temps passe et qu’il faut essayer de respecter l’heure limite : 16 heures.

Mais je suis pessimiste car l’orage semble s’installer. Peut-être même va-t-il tourner en rond au-dessus de nous.

Nous essayons de prendre notre mal en patience et tentons même de dormir, mais sans grand succès. Je n’arrête pas de regarder ma montre. 15h45, la pluie tombe toujours, forte et bien verticale. Peu d’espoir que le vent se lève et chasse les nuages.

16 heures, il pleut toujours et nous avons froid maintenant. Il va falloir prendre une décision.

Je n’ai vraiment pas envie de quitter le canyon et prendre le sentier qui rejoint le pont du Castou. La remontée est bien dure et cela sonne un peu comme un échec de ne pas avoir pu terminer “normalement”. Mais faut-il pour cela prendre le risque d’une crue si l’orage forcit encore ? Ce ne serait pas raisonnable. Et puis je ne suis pas seul, donc ma décision n’engage pas que moi.

Cruel dilemme mais je prends ma décision, car il est maintenant plus de 16 heures : nous continuerons par le sentier.

J’allais le dire à Elisabeth quand j’aperçois un petit morceau de ciel bleu, vraiment petit mais prometteur. Alors j’attends un peu, encore quelques minutes.

La chance est avec nous car le ciel devient de plus en plus bleu et la pluie tombe avec moins de force. Très vite le ciel, enfin ce que nous pouvons en voir, est entièrement bleu. La pluie s’est complétement arrêtée et seuls quelques grondements de tonnerre subsistent, mais bien loin d’ici.

Alors, profitons-en. Nous continuerons par la rivière. Tant mieux !

La remise en route est difficile car les machines sont froides et le sac semble encore plus lourd. Mais ça passera dans quelques minutes. Allons-y doucement.

Le soleil éclaire le feuillage détrempé des arbres qui nous surplombent et un vert éclatant ainsi que le bleu, non moins éclatant, du ciel contrastent avec la luminosité sombre des encaissements que nous traversons. C’est absolument splendide. Ça aurait vraiment été bien dommage de rater cela en peinant sur le sentier, tout en rageant, bien entendu, de voir le soleil revenu. Je n’ose même pas y penser.

En attendant, on profite du spectacle que nous offre la nature. L’eau dans les biefs n’est pas aussi limpide qu’habituellement à cause de la pluie, mais ça ne fait rien.

Nous passons la belle cascade de tuf en surplomb, sous laquelle j’avais l’habitude de prendre des photos avec une ou plusieurs personnes dessous. Malheureusement, le surplomb s’est effondré sous la force d’une crue et l’affluent qui avait patiemment déposé le calcaire pour former cette avancée s’écoule directement dans la Bendola.

Rien n’est immuable, ici comme ailleurs.

Nous continuons et passons à côté de la grande cascade de tuf qui, elle, n’a pas changé.

Le ciel se couvre à nouveau et la pluie se remet à tomber, mais rien de terrible. Probablement un reste de l’orage et comme il n’y a pas de tonnerre, pas de crainte à avoir, enfin pour le moment.

D’ailleurs, le soleil revient vite et on peut encore une fois profiter de ses rayons qui illuminent le feuillage et traversent la brume qui s’est formée. C’est vraiment magique. C’est la Bendola !

Nous avançons bien, mais sans nous presser plus que cela. Nous devrions être bon au niveau de l’heure, alors profitons-en au maximum.

Le niveau d’eau a un peu augmenté me semble-t-il, pas énormément, mais quand même. Tant mieux, c’est plus sympa.

En traversant un bief profond et assez long, j’entends Elisabeth crier plusieurs fois. Je viens de passer un virage et je ne vois donc pas pourquoi elle crie. Je fais demi-tour et repars à contre-courant. Lorsqu’elle me voit, elle me crie que la corde a glissé de son sac et est tombée au fond du bief. Je m’approche, et elle me montre l’endroit. Le bief est encaissé et il fait déjà bien sombre. En plus l’eau étant trouble, il me faut un peu de temps pour apercevoir une vague trace orange au fond du bief, peut être à 3 ou 4m de profondeur, difficile à estimer.

Il faut trouver quelque chose pour essayer de la récupérer. Elisabeth réussit à casser une longue branche sur un tronc qui baigne dans l’eau. Elle a la forme d’une fourche et je ne réussis pas à la descendre suffisamment bas car le fond du bief est très étroit. Il faut essayer de casser une des branches de la fourche, mais au moment où un morceau casse, la totalité de la branche coule également au fond du bief… Elle était probablement gorgée d’eau et donc trop lourde.

Plus d’espoir de pouvoir récupérer la corde. Il faut la laisser là et continuer notre chemin. C’est rageant, d’autant plus qu’elle était “neuve”, achetée spécialement début juin pour cette descente.

Un casque et une corde, voilà le tribu prélevé par la Bendola cette année. Comparé à un flacon d’Antésite l’année dernière, c’est plus lourd. Mais bon, ça aurait pu être bien pire. C’est ce qu’il faut se dire. Relativiser.

Nous arrivons à la “porte” de la Bendola. Après ce dernier passage encaissé, qu’il faut traverser à la nage, il ne reste plus longtemps pour atteindre le pont du Castou.

Nous y arriverons à 19 heures pile.

Le soleil est toujours là et nous continuons un plus bas pour arriver jusqu’à une clairière où nous rangerons néoprène, harnais et quincaillerie sur le sac, avant de commencer la désagréable montée sur la piste du Castou pour rejoindre le camion que nous retrouverons à la tombée du jour.


Photos


6 et 7 septembre 2022

Bendola
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